Bloodline, dont la première saison vient de sortir sur Netflix, marque le retour de Kyle Chandler dans une série télé, quatre ans après la fin du chef d’oeuvre Friday Night Lights.
Le magnifique générique de Bloodline s’ouvre sur une plage paradisiaque. On se demande comment les choses pourraient mal tourner. La musique donne une première indication, mélancolique et qui monte en régime, puis le time lapse qui s’opère sur cette étendue magnifique conclut : l’orage gronde sur les Keys, archipel de Floride. La tempête a un nom : Danny Rayburn. D’ailleurs à la fin de ce générique, des ombres semblent rôder constatant que même si l’orage semble terminé, la tornade, elle, arrive.
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La famille Rayburn a un grand hôtel en bord de plage, est respectée de tous. John (Kyle Chandler) est policier , Meg (Linda Cardellini)avocate tandis que Kevin ( Norbert Leo Butz) gère une petite affaire de réparation de bateaux. Les parents (Sam Shepard et Sissy Spacek) continuent de gérer tranquillement les affaires. Tout va bien dans le meilleur des mondes. Les notes de ukulélé du patriarche résonnent sur la plage, on mange du bon poisson, les familles semblent unies et heureuses. Mais on le sait depuis le générique, la tempête arrive. Le mouton noir de la famille rentre au bercail après un exil à Miami. Danny (Ben Mendelsohn) détonne tout de suite dans cet univers. Il semble né avec une cigarette dans la bouche, il est mal rasé, il traine sa carcasse péniblement, apportant un vent de malheur avec lui. Chacune de ses paroles semble menaçante, ou à double sens : Les Rayburn trainent de lourds secrets et Danny ne compte pas partir sans faire de vagues. Bloodline de Kessler, Kessler et Zelman (Damages), nous entraîne dans un univers très sombre, lancinant et moite. La beauté des lieux et sa tranquillité sont vite brouillées. Les secrets sont bien cachés et les âmes torturées.
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Pourtant, on sait très bien vers quelle direction les scénaristes veulent aller, ce qu’ils veulent dire sur la famille ou la nature humaine. D’ailleurs, ils ne s’en cachent pas, ils répètent même la formule qui avait plus ou moins fonctionné dans Damages. Au sein même du récit présent, ils insèrent donc des flashforwards et des Flashbacks. Ils s’amusent à donner les informations au compte-goutte. On sait ce qui va se passer, et au fil des 13 épisodes, on va découvrir comment, pourquoi. La tragédie se met en place, on va juste en dénouer les fils. Le procédé, avouons-le, reste très efficace. L’écriture reste maitrisée de bout en bout, et sa présence rend le tout très addictif. Pourtant, réutiliser cette structure jouant sur les temporalités tient aussi de la coquetterie et de la signature. Comme M.Night Shyamalan qui était à l’époque enfermé dans ses films à twists, K.K.Z (Kessler, Kessler et Zelman) deviennent les rois du récit à FlashForwards. On l’avait vu avec Damages, cela ne peut vraiment tenir sur la durée. Les scénaristes deviennent systématiquement prisonniers de leur procédé, en oubliant de se concentrer sur les personnages et l’intrigue. Dans cette première saison de Bloodline, la question ne se pose pas encore. L’effet fonctionne à plein régime. Les jeux de temporalité servent vraiment le récit et les personnages, tout s’imbrique parfaitement.
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Le récit joue donc avec les temporalités, mais aussi avec les genres. Dans un premier temps, il est une classique tragédie familiale, avec des personnages prisonniers, qui ne font qu’avancer leur pion dans un jeu jouer d’avance. Bloodline prend son temps, laisse les regrets et les tensions s’installer, le danger s’approcher. L’ambiance est moite, dangereuse et lourde. Un classique dialogue entre les membres de la famille Rayburn devient une joute froide, plombée par les secrets et le ressentiment. Les flashforwards, dans la tragédie, deviennent plus que pertinents. Ils mettent en image ce qu’on imagine dès les premiers dialogues en voix off de John, ils renforcent l’inéluctabilité de leur destin. Au centre de cette tragédie, on trouve Danny, celui par qui tout arrive. La première partie du récit, qui fait la moitié de la saison, nous présente ce personnage, le met au centre des affaires. On le dessine faible, mais charismatique, séducteur, mais terriblement toxique. Ben Mendelsohn impressionne, car il arrive à donner une ambivalence incroyable au personnage. On le sait ambigu et pas forcément bienveillant, mais Bloodline s’attache donc à expliquer l’origine du mal. Il est question durant la saison d’héritage de l’hôtel, mais évidemment le fond du problème restent les graines qu’ont semées les parents Rayburn, les actes et les mots qui se répercutent encore plus 30 ans plus tard. Au fil du récit, tous les Rayburn affichent leur part d’ombre. Dans cette première partie tragique, l’empathie pour Danny est quand même présente à quelques moments, plus victime que bourreau, mouton noir que personne ne veut vraiment prendre sous son aile.
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Puis les valeurs s’inversent, les dynamiques changent et Bloodline bascule dans le thriller pur. Invoquant clairement Cape Fear version Scorsese, la série fait monter la pression, met les personnages dans des situations de plus en plus angoissantes et noires. Le champ d’action des Rayburn se réduit drastiquement et le danger se fait de plus en plus réel. Quand la première partie s’intéressait aux racines du mal, aux graines semées, la seconde traite des conséquences tangibles. Le piège se referme, il est temps pour la famille de récolter ce qu’ils ont semé. L’ambiance s’assèche, l’angoisse devient peur, la peur devient douleur, le sang commence à couler. Le thriller qui lie différents éléments du récit est habile et logique, montrant que K.K Z n’ont pas perdu de leur talent à faire monter la tension et à récompenser son spectateur. On suffoque avec les personnages, mais il est aussi jubilatoire de les voir se débattre.
De ces retournements de situations, de ces personnages qui ne s’en sortent pas, les scénaristes montent finalement un soap noir comme l’abysse. La plus grande qualité de Bloodline réside dans sa partie soapesque. À l’heure où le genre se refait une santé, surtout grâce à l’émergence d’Empire sur la Fox, la série de Netflix pose une nouvelle pierre au renouveau du genre. Nihiliste, mettant en exergue la noirceur de l’âme des Rayburn, famille maudite et cruelle, jouant de ces effets favorisants le Binge-Watching, elle réussit à transcender quelque peu son classicisme. La grande famille, les secrets, les tromperies, les amours, l’argent, tous les ingrédients du soap sont présents et pour l’adorateur du genre, il est plaisant de voir une proposition différente visuellement et dans l’écriture. En cela, on peut rapprocher la série de Twin Peaks, qui était un soap détonnant totalement de la production de l’époque.
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Netflix comme avec Marco Polo, Bojack Horseman ou Unbreakable Kimmy Schmidt,propose avec Bloodline sa variation d’un genre, sans pour autant le révolutionner. Ils s’entourent des meilleurs, proposent des fictions de grande qualité. Il faudrait maintenant faire preuve de plus d’audace, tenter de bousculer les conventions. En l’état, leur nouvelle série, en attendant Daredevil dans quelques semaines, est une réussite. Dotée d’un cast et d’une réalisation efficace, elle captive, entrainant le spectateur et les personnages dans un océan de douleur.
Jérémy Coifman.
Superbe critique…
Ensuite malheureusement je n’ai pas autant accrocher que toi(pas dit tout), enfaîte mon problème réside dans sa qualité…un super Soap…mais un Soap quand même.
Est la dessus, je me suis souvent ennuyer, et deviner des tonne de choses(rien de nouveau), malgré une superbe réal et un cast excellent.
Bref je reconnait les qualité indéniable, mais je n’ai pas accrocher a ceux la(encore pire pour la série Empire sur Fox…mon dieu, c’est vraiment pas pour moi).
[…] vu Bloodline l’année dernière, et je n’avais pas eu le même élan. Non, son personnage de frère meurtri, […]