Empire : Le succès inespéré de la Fox

Posté le 3 mars 2015 par

Empire créée par Lee Daniels ( Precious) et Danny Strong (acteur dans Buffy et Gilmore Girls) se voit depuis quelques semaines maintenant propulsée sur le devant de la scène, la Fox aurait-elle trouvé la recette du succès ? 

Huit semaines maintenant qu’Empire, saga familiale portée par Terence Howard (Iron Man 1) et Taraji P. Henson (Person Of Interest), a débuté, et sept semaines de hausse consécutives dans les audiences. Dans le contexte actuel, c’est à peine croyable. De 9.9 millions de téléspectateurs pour son season premiere, on est passé à 13.9 millions. Pour la Fox, qui rame plus que jamais, le show musical fait figure de messie. Le taux sur les 18-49 ans est également ahurissant (5.4). Depuis Grey’s Anatomy en 2010, on n’avait pas eu un aussi fort score pour une série dramatique. Après cette impressionnante ronde des chiffres, il y a plusieurs questions qui se posent : pourquoi un tel succès ? Qu’a-t-elle de plus que les autres ? Est-ce mérité ?

Empire

Empire fait débat depuis son premier épisode. Cette histoire de roi de l’industrie hip-hop qui règne en  maitre, d’une famille rongée par les secrets et l’avidité, on l’a vue des milliers de fois. Ce genre, le soap, on continue de le contempler, avec plus ou moins de réussite (Revenge notamment). Mais Empire parvient à réussir quelque chose de plus fort, elle titille la fibre nostalgique de millions de téléspectateurs. En déroulant son intrigue, ses rebondissements, la série nous renvoie à l’âge d’or du soap, convoque des shows tels que Dallas, et surtout Dynastie, qui sert clairement de modèle ici.

Dans un premier temps, tout ce dispositif prête à sourire. On trouve ça d’emblée complètement daté et outrancier. On regarde le personnage de Lucious (Howard) passer un coup de fil à Barack Obama pour illustrer sa toute-puissance, Cookie (Henson) cabotiner avec ses robes vulgaires, tous les personnages ont une personnalité très marquée, que ce soit dans leurs vêtements, leur comportement, tout est souligné au marqueur fluo. Il faut dire que ça reste l’apanage à la fois du genre présenté, mais aussi de l’industrie décrite. On voit tout arriver à l’avance, de la réplique cinglante au plot twist tout droit sorti d’un soap à l’ancienne.

Mais seulement voilà, après un, deux voire trois épisodes, on finit par se prendre au jeu. Non pas qu’on se rende compte qu‘Empire est devenu un merveilleux programme, plein d’intelligence et de finesse, mais il déclenche chez le spectateur une drôle de sensation, un plaisir purement régressif incomparable cette saison. Impossible de prendre cela au sérieux, et les scénaristes, acteurs et réalisateurs le savent bien. Alors ils foncent dans ce que l’on attend, à savoir de l’excès, du complot, de la tension et de l’ambition. La vision au second degré devient délectable. Empire prend clairement des allures de drame shakespearien, et en cela ressemble beaucoup à Sons of Anarchy qui prenait souvent des allures soap trash et sauvage. On peut également la comparer à un opéra, tant la musique et les voix prennent une place importante.

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Autre inspiration de Daniels et Strong : le concept Glee. Les morceaux chantés et rappés sont produits par le célèbre Timbaland. Ils suivent l’évolution des personnages ou de l’intrigue, sont un point d’ancrage de la série. Les chansons de la série s’inscrivent clairement dans la réalité, même si elles sont spécifiquement composées pour le show. Elle pourrait bien être chantée par n’importe quel artiste actuel que cela ne choquerait pas. On parle d’ailleurs énormément de célébrités réelles ce qui donne un caractère plus tangible à l’univers. Une fois de plus, cette volonté de coller à l’actualité, de proposer un monde cohérent se retourne contre la série. Les morceaux- entêtants il faut bien le reconnaitre- se révèlent tout de même pour la plupart assez ringards et pauvres en terme de production et d’interprétation, avec leur lot de voix « auto-tunées « et de beats faciles. Et au bout de plusieurs morceaux (il y en a 12 rien que dans le premier épisode !), nous voilà revenus dans l’Empire dont on a envie de se moquer un peu. Cela permettra cependant de vendre les morceaux sur I Tunes et de faire, pourquoi pas, des concerts estampillés « Empire », comme Glee en son temps.

La série joue sur  deux tableaux en permanence, un peu comme True Blood. Elle reste un mélange de premier et de second degré permanent, tant et si bien qu’on ne sait pas vraiment où se situent les scénaristes. Ils n’hésitent pas à jouer de tous les effets du soap opéra, mais lorgnent parfois du côté de la grande saga familiale en citant même Le Parrain ! En résumé, gageons que Lee Daniels et Danny Strong voulaient évoluer dans cet entre-deux. Daniels n’hésitait pas à dire en interview qu’il voulait créer avec Empire un « Dynastie black ». L’aspect communautaire n’est pas étranger au succès de la série ( plus d’un foyer afro-américain sur quatre regarde Empire). De ce fait, un parfum particulier se dégage du show, politique et engagé, qui donne à quelques scènes ou quelques personnages une autre dimension. On y parle entre autres de la condition des Afro-Américains, de la difficulté d’être homosexuel au sein de la communauté et d’une industrie machiste, du pouvoir de l’argent.

Empire

Empire se révèle donc finalement assez brillante, dans son outrance assumée et cette manière d’invoqué le passé flamboyant d’un genre tombé en désuétude. Elle est un mix improbable du Roi Lear, de Dynastie, et du Parrain enrobé dans une esthétique de clip R&B. On lève d’abord les yeux au ciel de dépit, puis on se prend au jeu, tout content de voir les personnages se faire la guerre pour le pouvoir. On prend le seau de pop corn, le sourire aux lèvres. Un vrai grand plaisir même pas coupable, juste régressif comme il faut. La saison 2 est déjà commandée, et vu l’ampleur que prend le phénomène, les Lyon n’ont pas fini de régner.

Jérémy Coifman.

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4 commentaires pour “Empire : Le succès inespéré de la Fox”

  1. Je n’avais pas particulièrement prêtée attention à cette série mais tu as réussi à m’intriguer. Je regarderai le pilot pour voir ce que ça donne.

  2. ah cool! prépare les pop corns ! 🙂

  3. […] À l’heure où le genre se refait une santé, surtout grâce à l’émergence d’Empire sur la Fox, la série de Netflix pose une nouvelle pierre au renouveau du genre. Nihiliste, […]

  4. […] un genre pour lui redonner une seconde vie. Le cinéaste, comme Lee Daniels et Danny Strong sur Empire, a compris les codes du genre, il n’essaie pas de transformer le genre dans ce pilot, il […]

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