Dates : Errances sentimentales

Posté le 28 avril 2014 par

Dates créée par Brian Elsley (Skins) avec un procédé faisant la part belle aux acteurs, s’avère plus ambitieuse et complexe qu’elle n’y parait.

Il est toujours difficile de rencontrer quelqu’un pour la première fois, de faire la conversation et d’essayer de cerner la personnalité de son interlocuteur. Dates restitue l’angoisse, puis la véritable peur de voir quelqu’un nous juger sur un simple rendez-vous organisé sur internet. Londres, de nos jours, deux êtres se retrouvent et échangent pendant 25 minutes. C’est peu et interminable à la fois, pour David (Will Mellor), Mia (Oona Chaplin) ou Jenny (Sheridan Smith), quelques-uns des protagonistes dont on partage les dates.

David (Will Mellor) et Mia (Oona Chaplin)

David (Will Mellor) et Mia (Oona Chaplin)

Brian Elsley et ses scénaristes misent tout sur un procédé parfois proche du théâtre filmé. On suit avant tout le dialogue qui s’instaure, sans grand mouvement de caméra ou d’effet de montage percutant. Pratiquement tout repose sur le texte et la capacité des acteurs à lui donner corps. De ce format court ressort une impression d’urgence, une tension, une volonté d’immédiatement faire ses preuves, ce qui convient parfaitement à ce qui se passe à l’écran. 25 minutes et des personnages dessinés en deux répliques ou par un simple geste maladroit.

Dates capte l’attention par ses petits détails, nous force à prêter l’oreille à chaque mot. Il y a un rythme changeant dans les conversations et des jeux de pouvoir passionnants. Ces joutes verbales et l’analyse qu’on peut en faire rappellent In Treatment sur Hbo qui suivait les séances quotidiennes d’un psychologue avec ses patients. On se prend à examiner le moindre soupir ou rictus et chaque phrase devient captivante. Sans une écriture et des acteurs haut de gamme, impossible d’y croire, mais Dates sonne juste. Les comédiens apportent nuance et émotion, fragilité et réalisme, dans des scénarios où beaucoup peuvent se retrouver. Les protagonistes ne se comportent pas comme des archétypes. Ce sont seulement 11 gens faillibles, noyés dans la solitude. Cette excellence dans le trait pousse à ne pas se fier aux apparences, d’aller au-delà d’une première impression. Dates est belle parce qu’elle s’inscrit pleinement dans notre monde. La série se veut plus ambitieuse et dresse en creux un portrait sociétal marqué par l’isolement.

Jenny ( Sheridan Smith) et Christian (Andrew Scott)

Jenny ( Sheridan Smith) et Christian (Andrew Scott)

Quand on voit Dates aujourd’hui, un film vient en tête : Her de Spike Jonze. Autant pour sa peinture de personnes cherchant l’amour, que dans la description d’une population déshumanisée au sein de laquelle les gens perdent le contact. Ce paradoxe d’une société ultra connectée, mais où de plus en plus de gens sont seuls, Dates le cultive dès son générique. Celui-ci montre une ville animée et vibrante, où chacun reste finalement le nez dans son smartphone. Ce qu’on retient de cette introduction au son de l’entêtant Chloe de Hannah Peel, ce sont les visages inquiets de ces passants sans nom, ce flot discontinu dont se détachent quelques individus,égarés et reclus. Elsley, comme Jonze, cerne parfaitement les préoccupations actuelles et fait preuve d’une belle modernité dans les thèmes abordés. Dates parle de la difficulté, encore à notre époque, d’être homosexuel ou bien du dangereux enfermement de certains dans la religion. Mais également du cynisme parasitant toutes les relations et dont les gens se servent comme protection. Malgré les avancées technologiques, il reste bien complexe d’évoluer et de s’épanouir. En résulte un ton mélancolique, qui laisse cependant une place à l’espoir. Sous le vernis amer, on retrouve toujours une étincelle de vie, une conviction que tout ira mieux demain.

Jérémy Coifman.

Dates est projeté dans le cadre du Festival Séries Mania ce 28 avril 2014.

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3 commentaires pour “Dates : Errances sentimentales”

  1. Tu as très intelligemment fait la synthèse de cette série qui est marquante autant par sa modestie apparente que par la profondeur des sujets abordés et le fait qu’ils résonnent longtemps en nous.
    Et les acteurs sont magnifiques.

  2. Merci beaucoup! et oui pour Dates qui est vraiment magnifique. Elle a vraiment réussi à saisir quelque chose de notre époque, c’est très intelligent.

    Au plaisir de lire tes commentaires sur le blog!

  3. […] dans une autre sphère. Plus intimiste, mélancolique et inquiète, elle rappelle la très belle Dates de Bryan Esley, qui en quelques épisodes et personnages dressait un magnifique portrait […]

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