How I Met Your Mother : L’amer au revoir

Posté le 8 avril 2014 par

Voilà, après neuf saisons, deux cent huit épisodes, How I Met Your Mother (HIMYM) a tiré sa révérence, avec un final qui ne laisse pas indifférent. Après la colère, vient étonnamment la tendresse. 

Attention : Il est indispensable d’avoir vu la fin de la série pour lire cet article. 

 

Depuis 2005, la série de Carter Bays et Craig Thomas déployait son univers, des Gimmicks impayables et une narration originale. Son arrivée au cœur d’un nouvel âge d’or pour les Networks (avec Lost, Desperate Housewives ou Grey’s Anatomy) a redonné un souffle certain à la sitcom classique, orpheline depuis la fin de Friends.

On a d’ailleurs souvent qualifié HIMYM de Friends du « 21e siècle », bien que cette configuration — un groupe d’amis qui se retrouvent dans les mêmes endroits et qui vivent leur vie — est typique de la sitcom. Mais How I Met Your Mother avait quelques choses en plus : Ted, l’amoureux transi, Marshall et Lily, le couple solide, Robin, le garçon manqué. Sans oublier Barney Stinson, électron libre et séducteur, dont les coups d’éclat sont pour beaucoup dans l’entrée de la série au panthéon. La réussite de HIMYM réside avant tout dans ses personnages. Dès le pilote, ils sont tous croqués avec vivacité et concision. Déterminant premier acte : une sitcom peut aller loin, si le concept et les protagonistes sortent du lot.

HIMYM

Le « gang » se dit au revoir

L’idée est simple. 2030, Ted raconte à ses enfants comment il a rencontré leur mère. Oui, les scénaristes ont tenu neuf saisons sur ce postulat. HIMYM joue d’emblée sur la temporalité, les retours incessants entre les époques, les flashbacks et flashforwards. Bays et Thomas usent du teasing et des indices. Ils malaxent leur sitcom, lui donne des atours de comédie romantique, s’orientent vers une direction puis changent, tentent des choses. La générosité est là, le talent d’écriture aussi. Les premières saisons se révèlent hilarantes, vraiment. La quête de Ted Mosby pour trouver l’amour, et donc la nôtre pour identifier « la Mother », est lancée. Comme des fans de Lost cherchant la clé du mystère de l’île, chacun y allait de sa petite théorie sur la mère. Puis, comme pour toutes les séries qui reposent sur un puzzle, le public s’est scindé en deux catégories : ceux qui se lassaient de ne pas savoir et les autres pour qui la révélation n’avait plus aucune importance.

Au fond, How I Met Your Mother ne se focalise que très peu là dessus. L’important est ailleurs : dans l’évolution de Ted et consorts, de la série elle-même, dans l’évocation d’une trentaine difficile et d’une entrée dans l’âge adulte qui s’effectue de plus en plus tard. HIMYM reste une série générationnelle, qui a parlé de choses sérieuses avec tendresse et acuité. On s’y retrouve un peu, en ses « adulescents » et leur combat pour trouver leur voie, l’amour ou tout simplement qui voient le temps changer leur vie.

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Tracy, la mère (Cristin Milioti)

Mais cela a aussi transformé la série, pour le pire. Son aspect protéiforme qui faisait sa force est devenu sa faiblesse. Les scénaristes ont perdu de leur superbe, assez vite d’ailleurs, et n’ont finalement fait qu’user leurs bonnes idées. Il est normal qu’une Sitcom qui dure vive des moments de creux, mais la traversée du désert d’HIMYM est impressionnante. On pourrait la situer entre les saisons 4 et 9, à savoir la moitié de la série. Pendant cette période, on observe de nombreux bas, mais quelques sourires arrachés par une énième facétie de Barney ou un jeu de mots foireux de Marshall.

Puis il y a eu cette fin, ce manque d’audace évident, cette paresse, qui ferait passer le dénouement de Dexter pour un sommet d’intelligence. Thomas et Bays ont choisi de contenter une partie du public, qui voulait voir Ted et Robin finir ensemble, et dis un gentil merde à l’autre qui attendait un épilogue juste cohérent. On peut arguer que celle-ci n’est pas perdue, que Ted est un romantique fini et qu’au fond son vrai destin était de terminer son parcours avec ce premier amour. Mais c’est la façon dont le tout est écrit qui pose question. D’abord, il y a ce couple Barney-Robin, qui reste quand même le cœur de cette 9e saison (elle se passe intégralement durant leur mariage) et qui en 5 minutes est balayé. On expédie la déréliction d’une relation pour combler une saison avec du vide. Puis vient la mère, pauvre Cristin Milioti qui est reléguée au rang d’accessoire, qu’on aperçoit que cinq minutes sur les 45 dernières et qui finit terrassée par la maladie. 208 épisodes pour lâcher aux spectateurs que de cette maman au fond, on s’en fout un peu.

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Ted Mosby et le fameux cor bleu (Josh Radnor)

Malgré les maladresses et le manque de courage de ne pas avoir jeté aux orties cette fin qu’ils avaient tournés en saison 2 avec les enfants, Thomas et Bays  réussissent à insuffler une belle mélancolie. Cette amitié qui lie les personnages ne résiste finalement pas aux aléas de la vie, et au mariage de Ted, pour toujours ciment du groupe. Robin réussit professionnellement, mais s’isole, Marshall et Lily sont trop occupés avec leurs trois bambins, Ted et Tracy vivent dans leur bulle, et Barney continue son parcours de célibataire et devient papa par accident. Il n’y a pas de Happy-end. Les attaches qui unissent le groupe ne sont pas rompues, mais le quotidien et le temps sont plus forts. C’est un choix assez émouvant et audacieux, pertinent et sincère à la fois. Les protagonistes n’ont pas la fin qu’on souhaitait pour eux ce qui rend le processus de deuil encore plus difficile.

La quête de Ted se termine enfin avec un dernier tour du destin. Ses yeux s’illuminent de nouveau quand il entend le nom de Robin. Le romantique renait, six ans après la mort de sa femme. Il brandit le cor bleu bien haut comme une ultime Private Joke avec le public. Ils vont nous manquer ces cons, et c’est avant tout à ça qu’on reconnait une grande sitcom.

Jérémy Coifman.

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