Avez-vous déjà vu ? …Rescue Me

Posté le 18 mars 2015 par

  Retour sur Rescue Me, série diffusée sur la chaine FX entre 2004 et 2011.

Harlem, Manhattan, New York, la caserne 62 continue de faire son travail tant bien que mal, trois ans après le 11 septembre durant lequel ils ont perdu des hommes. Tommy Gavin (Denis Leary) est le leader naturel de la bande, même s’il n’a pas de poste à responsabilité. Charismatique, beau parleur, généreux, mais colérique, Tommy se révèle surtout comme un homme complètement détruit. Il ne se remet pas de la perte de son cousin lors des attentats du World Trade Center, il sombre dans l’alcool, entre son boulot éreintant et les problèmes qu’il éprouve à la maison. Rescue Me va suivre Gavin pendant sept saisons, au plus près, mais aussi s’intéresser à toute la caserne, de tous ceux que Gavin côtoie chaque jour et qui sont évidemment tout aussi abîmés que lui.

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On a tendance à oublier Rescue Me quand vient le temps de faire ses tops, ses bilans. Sur Fx, elle reste éclipsée par le chef d’oeuvre The Shield et le succès d’audience Sons of Anarchy, ironie cruelle pour une série qui parle du devoir de mémoire. Pourtant, quand on s’y penche, qu’on observe de plus près ces personnages, sa structure et les sujets qu’elle aborde, on se rend compte qu’elle a tout d’une grande, qu’elle est bien à sa place aux côtés des SopranoThe Wire ou autre Oz. Il y a un anti héros inoubliable, une bande de personnages très travaillés, humains, une étude de la cellule familiale passionnante et une écriture qui ne cesse de provoquer le spectateur, de le mettre face aux ambivalences des personnages et de montrer qu’il faudra les accepter comme ils sont. Rescue Me et ses protagonistes mettent souvent mal à l’aise. Ces pompiers sont humains, tour à tour héroïques, lâches, idiots, intolérants. Le tour de force du show est de ne pas occulter la bêtise crasse, l’homophobie, le machisme, la violence de ces « héros du 11 septembre ».  Denis Leary et Peter Tolan, créateurs de la série, montrent le revers de la médaille, l’autre face des posters et reportages télés montrant le courage des pompiers de New York. 2001 a changé pour toujours Tommy et la bande, mais ils n’étaient pas des hommes bons et sains pour autant. Leur perception du monde, de la vie et de la mort change évidemment et leur vision du métier aussi.

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Leary et Tolan abordent l’après. Que se passe-t-il pour les pompiers new-yorkais une fois que les spotlights ne sont plus là? Plusieurs personnes répètent à Tommy que le 11 septembre, c’était il y a trois ans et que tout le monde se moque désormais des pompiers. Gavin lui, est toujours en 2001, cherchant à recevoir une sorte de reconnaissance qu’il pense mériter, mais qu’il n’a toujours pas reçue. En fait, il traîne son malheur, sa dépression, son envie de rejoindre son cousin, de mourir. Cette pulsion de mort irrigue Rescue Me, électrise l’atmosphère, les personnages évoluent sur une fine ligne dans un monde en perdition. Tommy Gavin vit littéralement avec ses fantômes. On aperçoit souvent son cousin décédé, il personnalise autant sa conscience que ses regrets éternels. Le pompier voit les morts, leur parle, il évolue dans un entre-deux, il est un mort-vivant. Rescue Me joue de ses moments de flou, elle épouse le point de vue de Tommy, et de ce fait plonge le public dans une incertitude constante. Est-ce la réalité? Tommy est-il en train de fantasmer ce moment? Entre une vie heureuse qui semble révolue, un passé indélébile et un avenir qu’on n’imagine pas autrement que cauchemardesque, la vie de Tommy et de ceux qui l’entourent n’est vraiment pas rose.

Rescue Me, à l’instar de ses personnages, porte et assume cette part ténébreuse, mais offre un autre facette plus lumineuse. Rescue Me est une (longue) tranche de vie. Pendant sept ans, on va faire connaissance avec ces hommes et femmes pas toujours finauds, ni vraiment intelligents. D’abord, on regarde ça de loin, on a un peu de mal à se fondre dans cet univers assez codifié. Quelques épisodes plus tard, on fait partie de la caserne, on tremble pour eux, on rit avec eux. La série n’oublie pas au milieu du désespoir de faire preuve d’humour. Leary, très connu outre Atlantique pour ses One man shows apporte son phrasé caractéristique et une gouaille inégalable. Les autres ne font pas de la figuration. Ils donnent corps, ils sont le coeur de la série. On les aime tous. Ils sont énervants, on questionne leurs choix en permanence, on reste parfois choqué, mais on les adore tous. C’est peut-être aussi à cela qu’on reconnait une grande série. La qualité d’écriture et l’interprétation, malgré quelques facilités ici et là, provoquent l’empathie. On s’implique, comme rarement dans une série télé. Quand vient l’heure de dire au revoir, on pleure, parce qu’on se sent proche de la bande. Le show ressemble à ses protagonistes, imparfaits, humains, drôles, salauds, donc attachants.

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 Le mélange des tonalités et cette atmosphère désespérée placent la série dans une catégorie à part, celle des grands dramas modernes, des séries emblématiques. Pourtant le destin de Rescue Me devient le même que celui des pompiers dépeints. On apprécie ses services, on sait qu’elle est brillante, mais on finit par oublier un peu au fil du temps, si on n’a pas de piqure de rappel. Le rewatch que j’ai commencé il y a quelques jours me fait du bien. Je me souviens pourquoi Rescue Me est encore aujourd’hui une des mes séries préférées. Son souvenir doit être entretenu.

Jérémy Coifman.

 

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