Hannibal saison 2 : entre les secondes, la fascination.

Posté le 23 juin 2014 par

Après une première saison qui avait créé la surprise, le deuxième chapitre confirme qu’Hannibal de Bryan Fuller est bel et bien une des meilleures séries actuelles, tous networks confondus.

Ça y est, Bryan Fuller (Dead Like Me, Pushing Daisies) a enfin vaincu le signe indien : une de ses créations dépasse le stade de la deuxième saison. Début mai, NBC annonçait qu’Hannibal reviendrait à la mi-saison 2014-2015. Ce ne sont évidemment pas les audiences, qui oscillent entre 2 et 3 millions de téléspectateurs chaque vendredi, qui ont décidé les exécutifs du network. La série est une véritable vitrine pour la chaine, une de ces fictions premium qui apporte prestige et critiques élogieuses.

Hannibal Lecter (Mads Mikkelsen)

Hannibal Lecter (Mads Mikkelsen)

Il faut dire qu’Hannibal impressionne. D’abord parce qu’elle a une esthétique unique. Une façon toute particulière de filmer l’horreur. La composition des plans est réglée au millimètre près, chaque détail à son importance. On jongle sans cesse entre les espaces mentaux cauchemardesques et les visions d’épouvante qui imprime la rétine. Cette saison 2 continue sur la voie tracée par la première, en allant toujours un peu plus loin dans l’esthétisation de la violence. Elle a une façon unique de jouer sur les ralentis, fige l’instant, s’intéresse à ce qu’il se passe entre les secondes. Elle se focalise sur ces millisecondes qui font la différence, à la beauté de ce que l’on ne peut pas discerner à l’œil nu. En plus de renforcer l’angoisse, ces séquences sont autant de tableaux sublimes. Là où certains programmes se vautreraient dans la complaisance, Hannibal, continue de dessiner ses personnages par l’image.

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La confrontation entre Will Graham (Hugh Dancy) et Hannibal lecter (Mads Mikkelsen) est le cœur de la série. Tout est question de leur dualité, de luttes intérieures. Quand l’un combat ses démons, l’autre tente de les embrasser. Cette schizophrénie ambiante est donc renforcée par une mise en image unique. La série se concentre sur Will et sa volonté de prouver la culpabilité d’Hannibal, mais dans le même temps, la réalisation sublime les mets concoctés par le cannibale ou les tableaux que forme l’enchevêtrement de corps mutilés. L’horreur est esthétisée parce que la beauté et la quête de perfection sont le centre des préoccupations des personnages et plus particulièrement du docteur Lecter. Au-delà de l’imagerie forte (le cerf terrifiant), il y a une ambiance unique dans Hannibal, un climat inquiétant, hypnotique, accentué par une ambiance sonore parfois proche de la cacophonie. La série dérange, crée un malaise, laisse dans un état d’excitation et de terreur.

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Mais une série aussi magnifique visuellement soit elle, ne peut se contenter d’aligner les images léchées. Et Hannibal réussit là encore à déjouer les attentes, s’amuse avec sa structure et les passages classiques du cop show de network. En début de saison 1, les épisodes étaient en semi loner, offrant un freak of the week et un fil rouge. Peu à peu, à mesure que l’esprit de Will basculait, la série se dévoilait et ne se concentrait que sur son intrigue principale. En saison 2, on reprend cette configuration. On laisse la place à des histoires parallèles, mais qui s’insèrent parfaitement dans la continuité. Elles rejoignent par moment les questionnements des personnages, influent véritablement sur la totalité des évènements. Fuller joue intelligemment le jeu des grandes chaines et montre qu’avec de la créativité, on peut écrire une excellente fiction, même avec ces contraintes.

Bryan Fuller prend des risques avec le procédé un peu délicat du flash forward dans la première scène de la saison. Une séquence qui d’emblée nous scotche, mais se révèle également frustrante parce qu’elle laisse dans l’expectative. On craint une saison de remplissage, uniquement dans le but de nous amener à cette scène-là. Mais c’est tout le contraire qui se produit. Encore une fois, tout est question de manipulation et les 12 épisodes avant le final ahurissant vont offrir une montée en puissance phénoménale. Les nerfs des spectateurs sont mis à rudes épreuves et les jeux de dupes entre les personnages ne sont plus : ils sont désormais tous au courant de la véritable nature de chacun. Et c’est là que cela devient encore plus jouissif. Les mots sont aussi tranchants que les couteaux de Lecter. Les dialogues prennent un double sens permanent, Fuller se délecte, offrant un côté théâtral et outrancier à sa fiction. On connaissait son talent unique pour concevoir un univers marquant, on voit maintenant qu’il arrive à tenir la longueur, à donner enfin une épaisseur à son intrigue. Hannibal est la série la plus aboutie de son créateur, sans aucun doute.

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Will Graham (à droite Hugh Dancy)

Hannibal avec cette saison 2 s’impose comme une perle de la télévision américaine. Disposant d’une liberté totale, Bryan Fuller laisse libre cours à son imagination et propose une vision singulière et dérangeante du mythe Hannibal Lecter. Mads Mikkelsen apporte son côté animal, charmant et terrifiant tandis qu’Hugh Dancy impressionne lorsqu’il s’agit de jouer la fragilité ou la folie.

Elle aurait sa place sur n’importe quelle chaine du câble et pourtant, c’est sur NBC, dont il faut saluer l’audace, que la série continue sa carrière. L’épisode 13 est l’un des plus beaux de la saison 2013-2014, rien de moins.

Jérémy Coifman.

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3 commentaires pour “Hannibal saison 2 : entre les secondes, la fascination.”

  1. […] sera lancée le 24 octobre prochain, un vendredi. Difficile soirée pour les audiences, mais Hannibal a montré que c’était peut-être une case de prestige pour la chaine, et plus seulement une […]

  2. […] parlais ici, mais Hannibal a parfaitement négocié le virage de la seconde saison et nous a offert de grands […]

  3. […] de piano ou une simple série de bruits. Un travail qui fait penser à la seconde saison d’Hannibal avec une musique qui envahissait littéralement le cadre, et qui provoquait une sensation […]

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