True Detective : 1- Un succès immédiat

Posté le 6 mai 2014 par

Pourquoi True Detective est si belle ? Pour sa capacité à hypnotiser le spectateur tout en restant dans les carcans du polar noir. Nic Pizzolatto se pose en héritier de Denis Lehane et Michael Connelly, et passe du roman à l’écran avec une classe folle.

HBO entre semble-t-il dans un nouvel âge d’or. Avec Game of Thrones et True Detective, la toile s’enflamme à nouveau pour la chaine câblée historique qui voyait ses adversaires AMC et Showtime faire le buzz. Mais on le sait, « It’s Not Tv, it’s Hbo » et avec True Detective, on a franchi un autre palier dans l’exposition du médium et dans sa reconnaissance face au cinéma. Derrière ce phénomène on trouve Nic Pizzolatto, écrivain de 37 ans, ancien professeur d’université et nouveau showrunner d’un des projets les plus excitants de la décennie télé. Après un premier roman encensé par la critique, il a participé au scénario de deux épisodes de The Killing version us, un des polars les plus réussis de ces dernières années, qui marquait déjà par sa lenteur et sa grâce tragique.

true detective

Rust Cohle (Matthew McConaughey) et Martin Hart (Woody harrelson)

True Detective ressemble bien à The Killing Us dans sa description de personnages pris au piège de quelque chose qui clairement les dépassent et le développement d’un duo de flic plutôt mal assorti. La série anthologique d’Hbo ne sort finalement que très peu du canevas classique de la fiction policière et pousse d’abord le spectateur dans une ambiance particulièrement travaillée, mais bien familière. Là réside peut-être le succès quasi immédiat de True Detective : elle joue sur l’amour du public pour un genre, possède une patte visuelle et des schémas qui ont fait leur preuve. On retrouve le serial Killer introuvable, la moiteur des bayous et les flics torturés. Elle dispose surtout de plusieurs niveaux de lecture, n’a pas l’apparence d’une série élitiste et hermétique, même si sa lenteur a rebuté pas mal d’adeptes de NCIS et autres CSI. Elle pousse le spectateur à scruter le moindre indice, réveille finalement le vrai détective qui sommeille en chacun de nous. Elle ressuscite avec brio le feuilleton policier avec une enquête au long cours, et fait travailler la matière grise de millions de personnes. Nombreuses ont été les hypothèses sur l’identité du tueur, les explications vidéos sur YouTube et les captures d’écran hasardeuses. Nous nous sommes tous, le temps de huit semaines, transformés en Rust Cohle (Matthew McConaughey), marmonnant seul en échafaudant des théories parfois fumeuses. True Detective a passionné les foules comme jamais et est devenue la première saison la plus suivie sur la chaine depuis celle de Six Feet Under, preuve de son impact incroyable, dès le premier épisode.

L’autre aspect déterminant dans ce succès faramineux réside dans la facture « premium » de l’entreprise. True Detective a dès l’annonce du projet voulu brouiller les frontières entre cinéma et télévision en engageant deux stars du grand écran. Woody Harrelson d’abord, acteur culte et terriblement doué, capable de passer de Tueurs nés à Hunger Games en ayant toujours un charisme fou, et surtout Matthew McConaughey. Le coup de maitre est là. Lui, le comédien le plus en vogue du moment, celui qui a chipé l’oscar à Leonardo DiCaprio et qui volera l’Emmy Award à Jon Hamm ou Bryan Cranston. Le rôle principal de True Detective n’est pas un has been qui revient se faire une santé à la télévision, mais une véritable star qui jouit d’une cote de popularité incroyable. Le meilleur acteur du monde dans une série , c’est désormais possible.

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Un duo d’un tel calibre ne peut qu’attirer la curiosité. Il faut les voir évoluer ensemble, sublimer les magnifiques lignes de dialogues autant que les moments de silence, provoquer des frissons d’émotion ou d’effroi avec un regard. Ce ne sont pas que des gens de cinéma qui viennent se faire plaisir et toucher un juteux cachet, il y a une volonté tangible de prouver qu’à la télévision aussi, on peut faire de grandes choses. D’ailleurs à la réalisation, on retrouve Cary Fukunaga (Sin Nombre, Jane Eyre)  formidable esthète, qui met en image les obsessions de Pizzolatto, et restitue l’atmosphère presque surréaliste de La Nouvelle-Orléans. Il travaille les environnements à l’extrême, donne des allures de cauchemars à un état sinistré et malade, proche d’un enfer sur terre. Les visions de Fukunaga parlent autant que les mots du scénariste, illustrent la psyché des protagonistes et finissent d’inscrire la série dans l’imaginaire collectif.

Et surtout il propose des éléments quasi inédites à la télévision. On a beaucoup débattu du plan-séquence de l’épisode quatre, climax gigantesque , six minutes en apnée où le spectateur reste cloué à son siège. True Detective n’est pas qu’un programme verbeux, elle sait aussi se montrer éclatante dans ses effets. Même si scènaristiquement la façon dont est amené ce morceau de bravoure peut sembler un peu vain et prétexte à un étalage de virtuosité, elle se révèle être un acte militant d’une télévision à la recherche de la reconnaissance. La série essaie parfois trop fort, prend un peu la pose, surligne son aisance. Mais cela n’est jamais en vain et sert un récit plus centré sur ces « True Detectives » que sur le « Who Dunnit ».

En attendant la saison 2 de ce nouveau phénomène de société, d’autres articles viendront illustrer les nombreux thèmes importants d’un show aussi dense et mystérieux que les bayous. Affaire à suivre.

Jérémy Coifman.

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Un commentaire pour “True Detective : 1- Un succès immédiat”

  1. En attendant la suite vous pouvez ecouter la soundboard True detective sur Android
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