The X-Files – numéro 2 : Walker Texas Ranger

Posté le 29 avril 2014 par

Lettre à mes parents, pour ce X-Files numéro 2 consacré à Walker Texas Ranger.

Papa, Maman

C’est grâce à vous que j’ai pour la première fois posé mes yeux sur un film d’arts martiaux. C’était un Bruce Lee, vous savez, les VHS de la collection René Château. Mais Bruce ayant eu la carrière qu’on connait, je n’en avais pas assez. Tout naturellement, je me suis tourné vers d’autres acteurs, d’autres héros, tout un tas de stars de l’action 80’s, qui aujourd’hui font croire qu’ils ont gardé le feu sacré dans  Expendables. À cette époque, ils étaient comme des dieux vivants pour moi.

Puis grâce à toi maman, j’ai creusé un peu dans les méandres de la série B, parce que tu ne refusais jamais, ni encore maintenant d’ailleurs, de regarder un bon nanar quand il passe à la télévision. Qu’est-ce qu’on en a bouffé de la pellicule pourrie ! J’y ai découvert des choses extraordinaires : des ninjas blancs, des aïkidokas à catogan ou des kickboxers belges virevoltants. Mais il y en avait un qui attirait plus particulièrement mon attention. Il portait une grosse barbe châtain/roux, il faisait du karaté et explosait à coup de bazooka les terroristes qui s’en prenaient à l’Amérique. J’ai compris un peu après que ce héros hors du commun était le même qui provoquait le dieu Bruce Lee dans le Colisée : Chuck Norris le grand, Chuck Norris le puissant.

Chuck norris

Mon amour des séries télé, je vous le dois aussi. On en a passé des dimanches après-midi sur la première chaine, en mangeant des crêpes préparées par Papa. Durant ces années, TF1 diffusait quand même la crème de la crème. Toutes ces fictions ou presque peuvent figurer au sein de cette rubrique X-Files, et il est certain que beaucoup seront de la partie. Mais il y en avait une qu’on chérissait, maman, tu te souviens ? Papa faisait un peu la gueule quand elle débutait, parce qu’il en avait assez que tu regardes toujours la même chose. Moi aussi je me moquais de toi, mais au fond j’adorais ce petit rituel du dimanche après-midi. Lorsque le générique s’ouvrait sur ce rif de guitare, on chantait avec papa pour encore plus te faire monter la moutarde au nez. Il était 13 h 30 ou 45 je ne sais plus, et Walker Texas Ranger commençait.

De 1995 à janvier 2013, Walker Texas Ranger a occupé la case du début d’après-midi de TF1. Je comprends pourquoi tu en avais assez papa. Mais quand même, avoue qu’on s’amusait  non ? Avec cet opening mythique que je connais par cœur. Chuck Norris lui-même y poussait la chansonnette, il savait tout faire. Une ouverture à la gloire des Texas Rangers, mais surtout de sa personne. Une ode à la défense du territoire qui respire la xénophobie. Quand j’ai découvert Walker Texas Ranger, je ne comprenais pas encore totalement les paroles, mais rien qu’avec les drapeaux américains flottants, les yeux menaçants de Chuck qui surplombaient la ville de Dallas, j’appréhendais bien le fait qu’il ne fallait pas énerver les Texas Ranger. En saisissant le texte, ce fut pire : 45 secondes de discours plus que limite, dans lequel Norris chante que derrière chaque étranger, il y a un Texas Ranger qui guette. Bravo Chuck !

Mais Walker Texas Ranger, ce n’était pas qu’un générique. Les éclats de rire se poursuivaient soixante minutes durant, pub comprise. Parce que même pendant la pause, on se marrait encore des énormités auxquelles on venait d’assister. Chaque épisode reposait sur un concept classique, Walker et son compagnon Trivette (Clarence Gyliard) aidaient la veuve et l’orphelin à se dépêtrer d’une situation compliquée. On avait en prime la formidable leçon de morale hebdomadaire qui provoquait tes remarques ironiques, papa. Mais il y avait des choses plus abstraites, dans lesquels les Indiens prenaient une place importante, et où Walker était surnommé Wacho. Cela nous achevait systématiquement, enfin pas toi maman, tu étais concentrée sur l’action pendant qu’on pouffait derrière ton dos. On trouvait même des chapitres où Norris incarnait son ancêtre, qui était lui aussi un Texas Ranger émérite, dans un monde sans foi ni loi. J’adorais ces épisodes, parce que l’acteur portait sa fameuse perruque-mulet qu’il arborait dans le génial Sidekicks, film culte s’il en est.

Les scènes d’action étaient pour la plupart (mal) doublées ou au ralenti, pour que Norris puisse suivre le mouvement, il commençait à se faire vieux. Il se battait à mains nues contre des ours, faisait fuir les dealers par centaines et donnait accessoirement des cours de karaté aux jeunes défavorisés. L’épisode se terminait rituellement au bar de CJ (Noble Willingham) un vieux Texas Ranger à la retraite, qui balançait sa punchline avant l’arrêt sur image final. Tu l’aimais bien CJ maman, ces blagues pourries fonctionnaient tu peux le reconnaître, il y a prescription  désormais.

Walker Texas Ranger représente ce que les chaines us ont fait de pire dans les années 90. Mais pour moi, cela restera éternellement nos dimanche après-midi passés à rire, les regards noirs de maman qui voulait mater Chuck tataner du méchant en paix, et la constance de papa à toujours renchérir dans la moquerie, avec un timing aussi nul qu’une vanne de Trivette. Alors merci à Chuck pour sa médiocrité qui fait rêver et à vous, papa et maman. Sans vous, mon monde sériel n’aurait pas du tout été le même.

Jérémy Coifman.

Imprimer


Laissez un commentaire


*