Atlanta : Les multiples facettes de Donald Glover

Posté le 13 octobre 2016 par

Retour sur Atlanta, petite pépite diffusée sur FX depuis le 6 septembre 2016.

Dans Community (2009-2015) la sitcom de Dan Harmon, mon personnage préféré a toujours été Troy Barnes (Donald Glover), joueur de football américain qui n’attendait qu’une rencontre pour pouvoir faire son coming-out geek. Il parvenait à rendre la moindre petite chose une grande aventure, rêvait en permanence, sa naïveté devenait au fil des épisodes touchante, salutaire. Puis le personnage semblait se sentir à l’étroit, ses aspirations étaient trop énormes pour ce cadre là, ce community college, ce groupe d’amis. On sentait l’amour qu’il avait pour eux, mais aussi son désir d’émancipation.

La trajectoire de Donald Glover, créateur et acteur principal d’Atlanta, parait calquée sur celle de Troy, mais plus encore que cela, sa nouvelle création semble refléter ce qui se trouve à l’intérieur de la tête de Troy Barnes. Il devient amusant de voir la série de cette manière, comme quelque chose qui pourrait être un fantasme « Barnsien« , un de ces moments d’absence, celle ou son regard se vide l’espace de quelques secondes.

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Atlanta comme son nom ne l’indique pas raconte la trajectoire d’Earn Marks (Glover) qui tente de manager la carrière de son cousin Alfred Miles dit « Paper Boi » (Brian Tyree Henry), rappeur de petite notoriété qui rêve de percer dans l’industrie. Une success story de prime abord classique que Donald Glover va s’amuser à étudier, déconstruire et finalement réinventer. Car très vite, ce ne sont pas les destins de Paper Boi et de Earn qui semblent importants, mais bien tout ce qui sort des sentiers balisés du genre. Atlanta parle de tout ce qui est à la marge : que ce soient les gens, les rues, les petites histoires du quotidien, celles que Troy Barnes trouvait extraordinaires. On ressent une urgence, une fièvre. Pas seulement celles des personnages principaux, mais de tout un quartier, de toute une ville, de tout un peuple. On aperçoit des regards résignés, des gestes désespérés, la ville devient un théâtre à ciel ouvert où les tragédies s’entrechoquent, dans une indifférence qui frôle l’absurde.

ATLANTA -- “The Big Bang” --  Episode 101 (Airs Tuesday, September 6, 10:00 pm e/p) Pictured: (l-r) Keith Standfield as Darius, Donald Glover as Earnest Marks, Brian Tyree Henry as Alfred Miles. CR: Guy D'Alema/FX

Ce non sens, Glover le saisi à bras-le-corps, le transforme en l’espace de quelques plans ou situations en véritable poème. Plus qu’une success story, Atlanta s’apparente à un recueil de poèmes qui aurait pour thème la ville en elle-même. Les épisodes sont des successions de situations tour à tour cocasses, tendres, dures, souvent absurdes, parfois à la limite du mystique. Atlanta nous fait parfois croire à l’impossible, ses légendes urbaines prennent vie, il y a tout un tas de choses qui se passent chaque jour et personne n’y prête attention.

Et quand la poésie rencontre des questionnements d’actualité, la série prend encore une autre dimension. Glover n’oublie pas de porter son regard acerbe et désabusé sur une société où tout semble déréglé. Il pose les questions qui fâchent, met les Hommes face à leurs contradictions. La portée politique fait du bien à la série, ce qui n’est généralement pas gagné d’avance. Mais le parti pris est tel que l’auteur peut tout tenter, tout dire, sans faire perdre une once de son originalité à la série. Glover réfléchit sur le fait d’être Afro-Américain en 2016 aux Etats-unis, discute du statut de la femme, parle du crime, de la pauvreté, des armes à feu, du rap, tant de choses sont brassées sans avoir l’air d’y toucher que ça en devient vertigineux. Sous ce bel écrin poétique, Atlanta reste virulente, bouillonnante.

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Toutes les facettes de Donald Glover/Troy Barnes sont ici présentes, même la troisième, à savoir Childish Gambino, rappeur au flow et aux textes inquiets. Les douces rêveries sont là, les envies de liberté, la colère renfrognée, les touches absurdes aussi. Donald Glover a su trouver une liberté créatrice qui lui va plutôt bien. Un talent comme le sien ne demandait qu’à s’exprimer plus amplement.

Jérémy Coifman.

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