Mad Men S07E01: Time Zones

Posté le 16 avril 2014 par

Une des plus belles séries du monde entame son dernier acte avec Time Zones, un épisode marqué par le doute et la solitude.

Attention, cet article contient des spoilers.

On avait laissé Don Draper (Jon Hamm), face à la maison de son enfance, faisant la paix avec son passé. On le retrouve en partance pour Los Angeles, allant rendre visite à sa femme Megan (Jessica Paré). Est-ce le début du bonheur pour lui ? S’est-il libéré des chaines qui l’ont tant meurtri et qui se sont enfin brisées quand il a fait tomber le masque ?

Times Zones divise sa storyline et se déroule dans deux fuseaux horaires différents. À New York, au cœur de l’agence Sterling-Cooper-Draper-Price, l’ambiance n’est pas au beau fixe depuis la mise au rencard de Don. Peggy (Elisabeth Moss) ne trouve pas sa place dans la hiérarchie, elle qui se voyait déjà suivre les pas de son mentor. Au lieu de cela, elle lutte encore pour faire accepter ses idées comme aux premiers jours. Lou Avery, qui remplace temporairement Draper, se révèle comme un interlocuteur difficile à convaincre et qui sous sa bonhommie de façade, cache une mentalité assez rétrograde. Pour couronner le tout, Ted, son ancien amant, est de retour et se montre aussi détaché que d’habitude. Elle n’a évidemment toujours pas digéré son comportement lâche et lui fait savoir sans que cela affecte l’homme le moins du monde. Time Zones dévoile une Peggy désarmée et seule, ne pouvant plus se reposer sur son talent ou sa force de persuasion, avec un Avery qui n’a aucune envie d’écouter ce qu’elle a à dire. Même son de cloche pour les autres personnages, de Joan à Roger en passant par Ken, tous semblent vouloir s’affranchir des conventions, de leur âge ou tout simplement de leurs responsabilités, mais n’y parviennent pas. Dans chaque cas, un espoir réside pour le futur, mais Mad Men ne laisse que peu de place à un tel sentiment.

Peggy Olson (Elisabeth Moss)

Peggy Olson (Elisabeth Moss)

Dans une différente « Time Zone », Don arrive donc à Los Angeles. La séquence rappelle l’ouverture du Lauréat de Mike Nichols : il se laisse porter par le tapis roulant, filmé de profil, avec l’impression qu’il n’est plus acteur de sa propre vie.  L’homme sort de l’aéroport, marche au ralenti, summum de classe et de coolitude, et retrouve une Megan resplendissante et épanouie. La dynamique entre eux n’est plus la même, elle n’a plus besoin de lui pour subsister. Elle décroche un job sur un pilot de NBC, attire l’œil des producteurs et habite un somptueux appartement. Il y a d’abord le dîner avec l’agent de Megan. C’est dans un chic restaurant de Los Angeles, avec un être totalement factice, qu’ils paraissent le plus soudés. Le soleil de Californie et la bonne humeur ambiante n’étreignent pas longtemps Draper, qui découvre la froideur d’un foyer qu’il juge lugubre. Dès que le rideau tombe et que l’intime reprend ses droits, les relations sont tendues, la tendresse absente. Don dort sur le canapé et le malaise atteint des sommets quand ils passent enfin la nuit ensemble pour « célébrer » le rôle obtenu. Dans la nuit, il regarde Horizons Lointains de Capra, sa femme assoupie dans les bras. Le parallèle entre le texte introductif du film et sa situation se révèle limpide : il rêve d’un avenir plus serein. En indiquant ce que veut son personnage, Weiner livre également en un champ/contrechamp, un thème central de la saison. Dans Mad Men, nul besoin de mille palabres pour exprimer une idée forte.

Draper, toujours aussi ambivalent, tente de reprendre maladroitement un certain contrôle sur la vie de Megan, notamment lorsqu’il lui achète une télévision. Cependant, cela n’a pas l’effet escompté sur la jeune femme, qui affiche clairement son envie d’indépendance et son mécontentement. Don a semble-t-il perdu de sa superbe. D’ailleurs, Pete Campbell (Vincent Kartheiser) lui fera bien remarqué, lors d’un entretien avec son agent immobilier très charmeuse : « Don’t get excited, she turns it on for everyone. » Joli parallèle avec Peggy, qui lutte elle-même à New York.

Don Draper (Jon Hamm)

Don Draper (Jon Hamm)

 …

Prétextant avoir du travail, il repart vers l’est, retrouve SA time zone, comme une première étape d’une reprise en main. Pendant le retour, il fait la connaissance d’une énigmatique veuve (interprétée par Neve Campbell) qui l’émeut tellement qu’une forte proximité s’instaure entre eux. Draper recouvre dans le regard la fragilité de Richard Whitman, l’enfant désœuvré. Le voyage passe comme un rêve. Tant et si bien qu’elle l’invite à continuer les débats chez elle. L’atterrissage se révèle plus brutal, Il ne cède pas à la tentation, ce qui confirme la séquence devant la télé. Le changement est peut-être en marche.

L’élément de surprise de cet épisode vient de la relation que Don entretient avec son travail. Time Zones s’ouvre sur un monologue de Fred Rumsen (Joel Murray) qui pitch à Peggy la publicité pour les montres Accutron. En plus de s’adresser directement à l’audience et d’annoncer la fin toute proche (« Are You Ready? Because i want you to pay attention, this is the beginning of something »), Weiner surprend en montrant Rumsen si brillant. Ce pitch, petit miracle qui éblouit Peggy par sa pertinence, sort de la bouche de Freddy, alcoolique repenti, besogneux mais loin d’être brillant, qui mouillait son pantalon dans les saisons précédentes. Instinctivement, elle veut changer la phrase du slogan. Ce qui sonne d’abord comme de la fierté mal placée, se révèle être la viscérale envie de toujours aller contre Don Draper.

Le twist intervient en fin d’épisode. Rumsen s’est mué en espion et pantin du chef déchu. Draper poursuit sa quête de contrôle à distance. Même de cette manière, Peggy ne l’emporte pas. Esseulée et fatiguée, elle s’effondre en pleurs dans son appartement, pendant que lui reste isolé dans le froid de sa terrasse. Les deux personnages partagent une solitude équivalente, une sorte de malédiction : quand Peggy tente d’ouvrir les portes, Don n’arrive toujours pas à les fermer.

 Jérémy Coifman.

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