Masters Of Sex : Piquant et intelligent

Posté le 15 juillet 2014 par

Avec Masters Of Sex, Showtime a peut-être trouvé la grande série qui faisait encore défaut à la chaine.

De Masters Of Sex, on en perçoit facilement les inspirations. Son générique à l’imagerie explicite rappelle Dexter et le portrait d’une époque au travers de personnages ambigus et fascinants ramène à Mad Men de Matthew Weiner. En situant son récit dans l’Amérique de la fin des 50’s, cela renforce cette impression.

Episode 101

Virginia Johnson (Lizzy Caplan) et William Masters (Michael Sheen)

Mais il y a quelque chose de plus immédiat dans la création de Michelle Ashford. Bien que tout cela ne semble pas moins exigeant que Mad Men, on plonge dans le récit beaucoup plus facilement. L’évidence saute aux yeux, nous avons trouvé une petite pépite. On dit souvent que les grandes séries mettent du temps à démarrer, Masters Of Sex passionne d’emblée.

La fiction traite de l’histoire vraie du Dr Masters et de Virginia Johnson, deux pionniers qui ont effectué la première étude sur les comportements sexuels et exploré des voies qui faisaient peur à beaucoup. Avec un sujet pareil, sur une chaine comme Showtime, on craignait une série racoleuse et vaine, pourtant il n’en est rien. Si on parle bien de sexe, c’est avec tact et sensibilité. Une des premières scènes évacue quelque peu cette idée de voyeurisme malsain et montre qu’elle ira bien au-delà, tout en maintenant l’ambiguïté des personnages. On y voit le Dr Masters, caché dans un placard de maison close, assister aux ébats d’une prostituée et d’un client. Ashford nous met en position de voyeur, avec Masters, et nous renvoie à nos fantasmes. La pulsion scopique, chère à Sigmund Freud autant qu’à Hitchcock, est au centre de la séquence, mais aussi de la série : malgré la difficulté de l’étude de Masters et Johnson, il est impossible pour nous et les autres protagonistes de détourner le regard.

Episode 104

Masters Of Sex ne s’arrête pas à son postulat de départ et va au-delà de l’étude sexuelle. Elle livre un formidable portrait de femmes autant qu’une étude de mœurs passionnante. On retrouve les figures classiques de la femme indépendante et forte tête, ainsi que l’épouse esseulée, mais l’interprétation et la finesse d’écriture font oublier que ce sont là des archétypes un peu éculés. C’est une série féministe, et c’est ce qui en fait la beauté. Elle montre l’avilissement autant que la révolte, les fortes autant que les faibles. Elle montre une Amérique capable des plus grands exploits scientifiques, mais pourtant dans l’impossibilité de donner une quelconque importance à une femme ou un homme de couleur. Le parallèle est d’ailleurs dressé entre les femmes et les Afro-Américains. Même si c’est sous une autre forme, les femmes sont elles aussi en marge de la société. Elles sont enfermées chez elle ou contraintes de passer par des voies détournées pour avoir ce qu’elles veulent. Ashford milite, mais n’oublie pas d’insérer ses réflexions dans un récit. Masters Of Sex est une vraie grande série, aussi excitante que bouleversante.

Barton Scully ( Beau Bridges)

Barton Scully ( Beau Bridges)

La showrunner fait preuve d’un véritable savoir-faire dans la conduite de son scénario. Masters Of Sex  déploie son récit admirablement, de façon parfois académique, mais toujours logique. Il y a moins de folie que dans Mad Men, qui est souvent plus imprévisible. On peut ici prédire à peu près tout ce qu’il s’y passera, mais cela n’empêche pas d’y prendre du plaisir. Michelle Ashford ne cherche pas la surprise, elle se concentre sur l’évolution de ses magnifiques personnages, en les faisant évoluer parfois contre le souhait profond des téléspectateurs, en ne cherchant pas l’approbation du public. Ces personnages-là sont humains et c’est ce qui les rend si beaux. Pour ne rien gâcher, ils sont incarnés par des acteurs qui crèvent tous l’écran (Lizzy Caplan et Michael Sheen en tête).

La saison 2 a commencé hier en France sur OCS, et le retour se fait encore une fois en toute logique, l’épisode installe les storylines avec application et continue d’explorer les personnages et l’époque. On sait à peu près vers quelle direction va nous amener cette seconde saison, mais l’important est ailleurs. Ce qui est sûr, c’est que Masters Of Sex s’impose comme la réussite la plus éblouissante de Showtime.

Jérémy Coifman.

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Un commentaire pour “Masters Of Sex : Piquant et intelligent”

  1. […] 50 avec pertinence et…impertinence. En plus d’être formidable dans l’écriture, Masters of Sex, comme Mad Men à laquelle on pense beaucoup, n’oublie pas de faire parler ses images. […]

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