Retour sur Transparent, dramedie d’Amazon, coup de coeur instantané.
Le coup de foudre sériel, tout le monde le sait, ça existe. On l’a tous plus ou moins expérimenté, souvent plusieurs fois pour les plus passionnés. Il y a quelques mois maintenant, j’ai vu le pilot de Transparent de Jill Soloway et je suis tout de suite tombé sous le charme de cet univers mélancolique, auquel s’ajoute un drôle d’humour, toujours sur le fil. J’ai enfin pu me jeter sur la saison entière que j’ai visionnée d’un trait, trop absorbé, trop ému, trop admiratif pour arrêter. Malgré le malaise ambiant, l’âpreté de certaines scènes, je me sentais bien dans cet univers. Je n’avais pas envie de quitter les Pfefferman, une bande de losers magnifiques comme le ciné indépendant américain sait si bien filmer parfois.
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Mort (Jeffrey Tambor) est le patriarche, Ali, Sarah et Josh ( Gaby Hoffman, Amy Landecker et Jay Duplass) sont les trois enfants tandis que la mère remariée (Judith Light) est un peu à l’écart. Le destin de la famille bascule quand Mort,sexagénaire, fait son coming-out transsexuel. Cet évènement, très fort en soi, devient la source de bien des chamboulements dans les têtes et les vies de ces hommes et femmes, confrontés à leurs échecs et fêlures.
Ce qui m’a le plus touché dans Transparent est la simplicité de son procédé, qui ne fait pas perdre de la force au propos. J’aime la nostalgie qui s’empare de chaque plan, chaque objet, j’aime le sentiment de mue permanent alors que certains personnages aimeraient que tout redevienne comme avant. La série parle de modèle familial en mutation , de tolérance et surtout d’amour. Elle traite d’un sujet difficile avec sensibilité, sans jamais verser dans le militantisme maladroit.
J’aime l’étrangeté des situations et des personnages, cette façon gauche qu’ils ont de se mouvoir ou de discuter. On les sent tous plus ou moins inadaptés, impossible à rentrer dans les cases que la société impose. Je ressens l’émotion de Mort/Maura, quand elle se débarrasse de son déguisement d’homme pour enfin se montrer telle qu’elle est. On les trouve un peu étranges au début, on reste un peu extérieur, comme une bande d’excentriques sympas qu’on aimerait avoir comme amis. Puis, subtilement, mais fortement, on se sent intégré, et c’est finalement ceux qui se moquent ou jugent qui paraissent les plus étranges. Il y a deux scènes très éloquentes dans les premiers épisodes : l’une quand Maura veut aller aux toilettes pour femmes et l’autre quand elle rencontre un ancien ami de la famille. Les rires étouffés et la grossièreté crasse paraissent insupportables, l’étrangeté de Maura et les autres n’est plus. Surement parce qu’au fur et à mesure, ils assument enfin ce qu’ils sont.
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Je garde en mémoire des instants très forts, des voix qui se brisent sous le poids de l’émotion, des doutes perpétuels. Les Pfefferman ont dû changer, évoluer, et cela ne va pas sans difficulté. Soloway n’exclut pas la rudesse du monde, ni la complexité des sentiments, mais elle garde toujours de l’empathie pour ses personnages. Je n’avais pas ressenti tant de justesse dans la réflexion sur la famille, la mort, l’amour depuis Six Feet Under. On a l’impression qu’on assiste a quelque chose d’important. C’est ça le coup de foudre sériel, ce sentiment en direct, au moment ou des mots sont prononcés, des visages filmés, que cette oeuvre va rester longtemps dans nos coeurs et nos têtes.
On en redemande, on veut écouter encore et encore cette jolie ritournelle du générique, mélancolique, nostalgique, mais pleine d’espoir. Ces hommes et ces femmes un peu misérables peuvent retrouver l’insouciance de leur enfance pendant quelques secondes, quand ils croisent le regard de leur père. C’est peut-être ça qui me fend le plus le coeur dans Transparent, le regard de Maura plein d’amour pour ses enfants, ces grands yeux ronds pleins de bienveillance. Il faudrait que j’en parle plus profondément, pour l’instant, coup de foudre oblige, c’est l’émotion qui parle. La petite mécanique déréglée de Transparent me bouleverse.
Jérémy Coifman.
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