The Exorcist : Inattendue réussite

Posté le 20 octobre 2016 par

Retour sur la 1ere saison de The Exorcist, adaptation du roman de William Peter Blatty, diffusée sur la fox depuis maintenant 5 semaines.

L’annonce de la série The Exorcist n’a provoqué qu’une vague de scepticisme. En effet, comment passer après le célèbre long métrage de William Friedkin, qui parvenait à adapter le roman en restituant son côté quasi-documentaire et ses accès de terreur pure. Encore aujourd’hui le film reste une référence. La série ne fait aucunement mention du film de 1974, préférant se référer au roman. Pourtant après 4 épisodes, The Exorcist fait forte impression imprimant la rétine de visions cauchemardesques et invitant le spectateur dans un univers stylisé, profond et déjà passionnant.

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Le postulat est le même que dans le roman. Une adolescente est semble t-il possédée et la mère de famille fait tout pour que l’église l’aide à sauver l’âme de sa fille. The Exorcist réussit comme ses prédécesseurs une chose essentielle : donner corps à cette réalité dès le premier épisode, induire le spectateur à croire que le mal est absolument partout, insidieux, que les gens sont en danger, peuvent être possédés. Dans le pilot réalisé par Rupert Wyatt (Rise Of The Planet Of The Apes), l’atmosphère pesante et froide fait immédiatement penser au film de Friedkin, notamment dans son aspect clinique, cette irrémédiable intrusion de l’horreur et du mal.

C’est au sein de la sacro-sainte famille américaine que le mal prend racine. The Exorcist, bien qu’elle soit une série horrifique, se mue aussi en un drama familial de haute volée. Le mal est enfoui dans les entrailles de la jeune fille possédée mais aussi dans les têtes et les cœurs de tous les membres de la famille Rance. Découvrir les squelettes dans le placard de celle-ci se révèle à la fois jouissif, émouvant et tragique. La série ne cherche pas à en dire trop, elle délivre les informations tout en finesse, avec un plan ou un mot. Le spectateur est dans l’empathie, questionne la foi inébranlable de la matriarche, sans pour autant lui donner tort. Ce qui montre encore une fois le pouvoir d’évocation de la série et sa réussite dans le développement de son univers.

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Si le spectateur ne questionne pas la foi d’Angela Rance (Geena Davis), c’est aussi parce que les deux personnages des prêtres évoluent dans une remise en question permanente. Marcus Keane (Ben Daniels, Flesh and Bone) et Tomas Ortega (Alfonso Herrera, Sense 8) sont les deux prêtres qui vont combattre le mal. Leur caractérisation est un modèle du genre, jouant de l’aspect classique de leur écriture pour leur apporter une aura incroyable. Deux personnages que tout semble opposer mais qui au final partagent les mêmes questionnements sur leur foi, sur l’église. Quand Keane est traumatisé par la mort d’un enfant possédé tué par un démon, Ortega vit dans le souvenir d’un amour passé, dont il continue sciemment d’entretenir la flamme. Ortega incarne la douceur, la gentillesse. Keane de son côté, grâce à l’interprétation habitée de Daniels, transpire la rudesse de la rue, le traumatisme d’une enfance cauchemardesque qui apparaît au spectateur l’espace d’un terrifiant flashback. La résolution de Keane fait basculer Ortega de son côté. Le spectateur lui, bien que dans un fauteuil, sachant que les deux prêtres sont destinés à s’allier, se prend au jeu, bien aidé par une écriture élégante. La force de The Exorcist réside dans l’inconfort paradoxal que l’on ressent dans un récit si familier.

THE EXORCIST: L-R: Guest star Isaac Linares and Ben Daniels in THE EXORCIST premiering Friday, Sept. 23 (9:00-10:00 PM ET/PT) on FOX. ©2016 Fox Broadcasting Co. Cr: Jean Whiteside/FOX

Ortega et Keane représentent l’idée d’une foi plus moderne, bloquée par une organisation archaïque. L’église est présentée ici comme une multinationale comme les autres, pleines de secrets, où la hiérarchie doit être respectée et dans laquelle les écarts de conduite sont immédiatement punis. Elle est un frein, l’autre méchant de l’histoire, sur le même plan que les démons qui détruisent les êtres envahissent une ville de Chicago au bord de la rupture. Les échelons sont nombreux, les ramifications également et les personnages semblent totalement impuissants. The Exorcist dénonce une religion facteur de discorde, qui laisse sciemment une partie de la population dans le brouillard, qui joue pour ses propres intérêts. La possession demeure bien connue des hautes instances qui laissent faire.

Cette possession se manifeste de manière extrêmement impressionnante, restituant la violence autant physique que psychologique du roman et du film. Mais elle prend une belle dimension dans la série, quand elle devient une chose effrayante que Keane croise dans les baraquements de fortune des sans domiciles de Chicago, quand ce sont les gens du peuple qui souffre du mal pendant que l’église organise des réceptions, que le pape arrive en grande pompe. L’aspect social est présent en filigrane faisant le lien avec la famille Rance.

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Cette famille aisée et pieuse devrait être épargnée. Pourtant la jeune Casey (Hannah Kasulka) voit son état se détériorer. Comme La Mouche de Cronenberg, un des plus grands films sur la maladie, la dégénérescence du corps et de l’esprit, The Exorcist prend le partie de filmer la jeune fille au plus près, d’assister à sa lente descente aux enfers. Le démon prend un visage surprenant dans son esprit, la tourmente. Elle change physiquement, son comportement surprend et inquiète, son regard n’est plus celui d’une adolescente en bonne santé. Au delà du travail remarquable de l’actrice pour rendre compte de ce changement, la série parvient intelligemment à exprimer par l’image cette transfiguration et les interrogations de toute une famille qui subit la maladie.

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Peu d’effet choc ici, pas de jump-scares chers à la production horrifique contemporaine. The Exorcist est élégant jusque dans sa mise en scène qui utilise toute une grammaire peu usagée à la télévision. Surimpressions, fondus enchaînés, longs travellings, les réalisateurs suivent la charte visuelle de Rupert Wyatt avec talent et audace, chose plutôt rare pour un drama horrifique de Network. La photographie froide entre le gris et le bleu finit de donner un côté mélancolique qui sied à merveille à cette histoire. Car au-delà de l’horreur, The Exorcist exprime avant tout un combat contre des certitudes, une société gangrenée et finalement contre les propres démons des personnages. Un peu comme la très belle Outcast diffusée sur Cinemax. Belle surprise que The Exorcist, qui exerce un drôle de pouvoir de fascination.

Jérémy Coifman.

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