Banshee saison 3 : Anatomie de l’enfer

Posté le 16 mars 2015 par

Retour sur  Banshee, la série de Cinemax, qui termine sa troisième saison et qui s’impose comme une des plus éclatantes réussites de ces dernières saisons.

Quand les portes de Banshee se sont ouvertes pour « Lucas Hood », homme qui prend l’identité du nouveau shérif d’une petite ville de Pennsylvanie, on sentait la grosse série B grasse, destinée à un public masculin, et désireux de voir des fesses et des flingues. C’est ce qu’on trouve dans le pilote et dans les deux, trois épisodes qui suivent. La réalisation est stylisée, les scènes de sexe racoleuses, les enjeux sont ceux de n’importe quel film d’action. Il y a un personnage masculin fort, une belle à sauver, un méchant charismatique. Rapidement, Banshee commence sa mue. D’abord dans la mise en scène, qui multiplie les plans travaillés et les morceaux de bravoure, puis dans l’écriture qui se révèle plus profonde qu’il n’y parait, faisant apparaitre des vrais enjeux dramatiques et des velléités romanesques et tragiques que l’on ne soupçonnait pas.

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Banshee devient donc une série  B aux ambitions dantesques, proposant un univers proche de la bande dessinée et du Pulp . Elle entretient un gout certain pour les protagonistes forts, au background travaillé et à la personnalité très marquée. Au fil des trois saisons, les personnages inoubliables se sont succédés, esquissés en deux, trois scènes, parfois même une seule. Cette galerie d’hommes et de femmes « bigger than life » devient la marque de fabrique de Banshee, plus que la violence et le sexe très graphique.

La série de Cinemax ne parle que de combat, au sens propre comme au figuré. L’univers dans lequel évoluent Lucas Hood et les autres est sans pitié violent, aucun répit n’est possible. Ils ont tous l’air fatigués, au bout du rouleau, les cernes se dessinent sous leurs yeux, et les larmes coulent souvent. Tous semblent porter le poids du monde sur leurs épaules. Ce ne sont que les erreurs de leur vie passée , qui se répercutent sur leur existence et tous ceux qui les entourent. Les regrets sont éternels et les squelettes dans le placard presque infinis. C’est ce qui intéresse Jonathan Tropper, écrivain et créateur de la série : la schizophrénie, les regrets, les apparences, la différence entre ce que l’on est et ce que l’on voudrait être. À Banshee, personne n’assume vraiment, tout le monde porte un masque. On joue au shérif et au bandit (Hood et Proctor), au barman ( Sugar), à la mère de famille ( Carrie) sans trop y croire, pour se donner une contenance, pour oublier un passé encombrant qu’on traine comme un fardeau. Les masques tombent très vite, et chacun est ramené à sa condition. Banshee ne laisse que peu de place à l’espoir et au calme. Les esprits sont agités et torturés, bouillonnent face à l’incapacité de se sortir du piège. Cette ville est une sorte de labyrinthe infernal qui ne cesse de ramener les personnages sur les mêmes voies.

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Banshee fait très fort. D’une part parce qu’elle développe un univers cohérent et fort, et qu’elle dépasse sa condition, mais surtout parce que son évolution, sa mise en image et son écriture collent totalement aux intentions dévoilées. La création de Tropper se révèle tout aussi schizophrène, folle et tragique que ces personnages. La réalisation multiplie les points de vue, les expérimentations, les retours en arrière, les espaces mentaux, on voit littéralement les protagonistes crier leur désespoir, on observe ce qui se passe au sein même de leur esprit torturé. Leur quête d’identité, et l’incapacité de savoir qui ils sont, transpirent de chaque plan. L’exécution est si brillante que Banshee fascine de plus en plus. On se passionne pour des personnages dont on ne connait presque rien, même pas leur véritable nom. Leur histoire se dévoile en filigrane, bribe par bribe, on reconstitue le puzzle.

Dans cette dernière saison en date (la série est déjà renouvelée pour une saison 4 de huit épisodes), la mue se poursuit. D’un côté elle assume totalement son nouveau statut de série B qui en veut plus, de l’autre elle choisit de ne pas donner toutes les cartes de garder des zones d’ombres et de laisser ses personnages totalement perdus. Le titre du dernier épisode, We All Pay Eventually (nous payons tous à la fin), résume parfaitement le leitmotiv de cette dernière fournée. Banshee est une tragédie, il ne peut en être autrement, Hood et ses comparses ne sortiront jamais de ce labyrinthe, pire, ils continueront d’entraîner dans leur déchéance ceux qui essaient de s’approcher. Le happy-end n’est pas de mise, le malheur va continuer de frapper. Ils essaient pourtant durant les dix épisodes d’aller à contre-courant : être un véritable shérif, une véritable mère de famille, un bon fils ou un bon mari. On les observe se débattre, jouer leur petit rôle, souffrir et voir qu’il ne sert à rien de continuer. Nous payons tous à la fin, ils le savent, et le passé étant ce qu’il est, eux paieront peut-être encore plus que les autres.

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Cette tournure de la série, difficilement prévisible au début force l’admiration. Chaque épisode propose son lot de moments forts, avec à chaque fois une proposition visuelle ou thématique qui sort du tout-venant. La saison aborde quelques sujets assez difficiles, notamment le sort des Amérindiens ou l’extrémisme sous toutes ses formes. Sa filiation avec le cinéma de genre n’en est que plus forte, Banshee n’hésitant pas à appuyer là où ça fait mal, frontalement et ne détourne jamais la caméra, tant et si bien que l’on souffre aussi, autant qu’on exulte.

Même si les personnages luttent encore, la série, elle, semble avoir trouvé son identité. Ce choix de laisser cohabiter deux personnalités, de laisser exploser sa violence et sa rage, tout en conservant sa part romanesque et tragique, rend Banshee assez unique. L’addiction est grande.

Jérémy Coifman.

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2 commentaires pour “Banshee saison 3 : Anatomie de l’enfer”

  1. Parfaite…

    Une des rare série a devenir de mieux en mieux(et c’est peux de le dire), cette saison 3 était SPECTACULAIRE…

    Et LA surprise est le nouveau venu, Kurt Bunker(jouer par l’excellent Tom Pelphrey acteur a surveiller).

    C’est déjà une torture d’attendre la S4…

  2. c’est clair que Bunker promet énormément ! vivement la suite !

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