Peaky Blinders Saison 1 : La violence au quotidien

Posté le 8 septembre 2014 par

Retour sur la magnifique première saison de Peaky Blinders, plongée violente et romanesque dans le Birmingham d’après première guerre.

Il est facile de comparer Peaky Blinders, fiction de la BBC Two à Boardwalk Empire diffusée sur HBO. On y explore peu ou prou les mêmes thématiques , la même époque. Pas difficile également de faire le parallèle entre Tommy Shelby (Cillian Murphy), chef dangereux et torturé des Peaky Blinders, gang roi de Birmingham, et Jimmy Darmody ( Michael Pitt), jeune  loup entraîné dans le grand banditisme au temps de la prohibition.

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Ce qui les rapproche tant, c’est avant tout leur passé. Ils sont tous les deux des rescapés de la Grande Guerre. Tous les deux ont vécu l’inimaginable, se sont battus pour survivre, massacré des dizaines et des dizaines de personnes au nom de leur pays. Ils en sont rentrés changés à jamais. Ils ont cette violence ancrée en eux, cette étincelle de folie et de désespoir dans le regard. Tommy et Jimmy vivent dans un monde où la violence ne s’arrête jamais, où il ne faut jamais baisser sa garde au risque d’être poignardé ans le dos. Leur regard porte le poids de la lassitude. C’est la beauté de ces personnages, leur côté tragique, de se dire que leur destin noir ne tient qu’à quelques détails, mais qu’il est immuable, qui les rend si beaux. Comme le diront Jimmy et un ami de Tommy, ces hommes sont déjà morts. Ils ont péri dans les tranchées, en France. Ils semblent avancer en mode automatique, hantés par des visions d’horreur sans fin. Chaque fois qu’ils trouvent l’espoir, on leur enlève presque immédiatement ce réconfort. Tommy Shelby, pourtant, n’est pas tout à fait Jimmy Darmody. Il est un leader. C’est celui qui donne les ordres, qui contrôle la famille, en dépit du fait qu’il n’est pas l’aîné. Il demeure celui qui inspire la crainte dans les rues, qui provoque le silence à chaque fois qu’il entre dans une pièce.

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Peaky Blinders n’est pas une copie de Boardwalk Empire, il en explore les thèmes tout en offrant une vision plus populaire, plus sale. Quand dans la fiction HBO Jimmy Darmody arrive aux États-Unis, il est une sorte d’anomalie, une attraction pour tous ces gens qui n’ont pas fait la guerre. Dans la série de Steven Knight, c’est l’inverse. Tout le monde est hanté par la guerre, pratiquement tous les hommes ont été sur le front et sont détruits. Peaky Blinders s’intéresse au coin de rue sombre, à la saleté de Birmingham, aux fumeries d’opium et aux pubs mal famés. Nous sommes loin du strass et de la démesure d’Atlantic City. Il n’y a pas de Jazz, de jolies femmes virevoltantes. Il n’y a que les crachoirs et les chants irlandais pleins de nostalgie et de douleur.

Cette viscéralité, on la retrouve dans la réalisation, soignée à l’extrême, qui s’attarde sur les visages, les fissures, tout en offrant des visions saisissantes de la violence et du désespoir qui habitent ce monde. La photographie est une des plus belles vues depuis bien longtemps dans une série télé. Tous les plans sont précis, habités. Ce qui pourrait tourner rapidement à l’exercice de style, se révèle tout simplement étourdissant, tant il sublime la tragédie qui se noue. Il y a des plans à tomber, des mouvements de caméra lourds de sens, des ralentis pesants.

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Mais le véritable coup de génie réside dans l’utilisation de la musique. La bande-son est composée de musique rock contemporaine, allant de Nick Cave aux White Stripes, créant un décalage saisissant, sans nous sortir de la fiction. Encore une fois, ce procédé pourrait apparaître complètement superficiel, mais Peaky Blinders parle de personnages qui ne sont pas forcément à leur place, de misfits, de faux semblants.

Son écrin magnifique, son utilisation de la musique géniale restent de la poudre aux yeux, comme celle, jetée dans les naseaux du cheval dans la superbe scène d’ouverture de la saison. Peaky Blinders est sale, violente et complètement désespérée. Quand on passe au-delà du verni, ce qu’on voit reste tout aussi beau. Il faut plonger dans le regard métallique de Tommy Shelby et contempler toute la misère de ce monde.

Jérémy Coifman.

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