Rectify saison 1 : à coeur et à cris

Posté le 26 mai 2014 par

Rectify, première fiction de Sundance Channel, touche en plein cœur.

Rectify me hante. Elle ne me lâche pas. Plus d’un an après la diffusion de son pilot, la série de Ray McKinnon, acteur devenu showrunner pour l’occasion, continue de vivre en moi comme si je l’avais vu hier. En six épisodes seulement, elle est parvenue à créer un univers tangible et puissant, mélancolique et chaleureux à la fois. L’histoire de Daniel Holden, condamné à mort libéré au bout de dix-neuf ans, n’est en soit pas originale. Mais la finesse de l’écriture et le naturalisme de la mise en scène serrent le cœur, nous embarquent dans quelque chose de tellement fort qu’on a conscience pratiquement en direct d’assister à une sorte de miracle.

Daniel Holden (Aiden Young)

Daniel Holden (Aiden Young)

Rectify me hante. Elle ne me lâche pas. Pas plus que la Georgie et ses prairies baignées de soleil, sa moiteur, ses mines patibulaires, ses secrets et ses injustices. L’univers dans lequel évoluent les personnages est à la fois d’une grande beauté et d’une noirceur abyssale. La série passe d’un monde à l’autre avec talent, de l’émerveillement à la profonde tristesse en quelques instants. On est sans cesse soufflé par tant de justesse. Rares sont les programmes qui maintiennent, même sur si peu d’épisodes, une qualité pareille.  Sa lenteur me hante. Elle ne me lâche pas. Rectify étire les secondes, prend son temps pour capter ce qui importe vraiment. Elle ne cherche pas le dialogue à tout prix, joue des silences et des regards, du montage musical autant que du simple travelling évocateur.

Daniel Holden me hante. Lui, l’adolescent enfermé dans un corps d’adulte, l’extraterrestre qui débarque dans un monde qu’il ne connait pas. Il a la démarche lourde, comme s’il marchait avec un poids sur les épaules dont il n’arrivait pas à se délester. Il parle lentement, pèse chacun de ses mots. Daniel Holden à mille ans. On a l’impression constante qu’il sait quelque chose que les autres n’ont pas encore saisi. Il y a dans son regard toute la détresse du monde, le savoir de plusieurs vies, mais aussi l’émerveillement propre à l’enfance. Son enfermement bouleverse, qu’il soit concret ou métaphorique. Du premier plan, dans lequel il est filmé dans le cadre d’une porte jusqu’à la fin de saison, Daniel ne se libère aucunement. Il évolue dans un entre-deux difficile à vivre. Daniel reste parfois l’adolescent qu’il était il y a dix-neuf ans. Il garde une candeur émouvante. Il renait, doit pratiquement recommencer à zéro. Il découvre les avancées technologiques, un monde qui ne l’a pas attendu pour changer, des gens qui ont vieilli. Holden est un personnage réussi parce que nuancé et ambigu. Il provoque autant l’empathie que la peur, si bien qu’on se pose souvent la question de sa culpabilité. De ce fait, on se retrouve un peu dans la posture de ceux qui l’entourent. On tente, malgré l’émotion qu’il suscite, de prendre nos distances.

rectify

Certaines scènes me hantent. Elles ne me lâchent pas. Daniel Holden qui passe du rire aux larmes en allumant sa vieille console de jeux ou les adieux déchirants de deux amis dans le couloir de la mort, Rectify est parsemée de moments forts. Il n’y a pas un épisode sans un frisson ou un sanglot. Même si l’écriture est très typée « cinéma indépendant us », les mécaniques ne  sont pas trop voyantes et laissent la place à la vie. Ray McKinnon parle du quotidien, en tire la magnificence et l’horreur, les joies et les luttes permanentes.

Chaque moment passé avec Rectify est précieux, même les plus durs. Comme le dit un des personnages à Daniel Holden, ce sont les plus belles choses qui blessent le plus. Après plus d’un an et à quelques jours de sa reprise, le souvenir est encore vif, l’émotion toujours présente, le regard de Daniel Holden ancré pour longtemps en moi. Rectify me hante, elle ne me lâche pas.

Jérémy Coifman.

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2 commentaires pour “Rectify saison 1 : à coeur et à cris”

  1. Moi aussi, j’ai beaucoup aimé les 2 premiers épisodes découverts cette année à Séries Mania (alors que j’ai été, dans l’ensemble, plutôt déçue de tout ce que j’y ai vu). Tout y est extrêmement « juste », et par les temps qui courent, c’est plutôt rare ! C’est très prenant aussi…

  2. Rectify, hop dans le top 3 2014. Je trouve que cette seconde saison est plus dure que la précédente, plus pesante. On découvre Amantha plus en profondeur et on voit les dégâts que sa quête pour son frère ont pu faire. Les relations sont toujours difficiles, rien n’est offert au spectateur. Les rares moments de « bonheur simple » de Daniel apportent une légèreté mais la réalité revient vite nous « péter » à la face. Un monde conservateur vu par des progressistes, un univers 100% américain. Et bien-sûr, on rêve d’une happy end, on la veut, on la mérite! Grand mystère…

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